Le mot de l’abbé Pierre
Coronavirus, rencontres limitées ou solitude involontaire, ça dérange. Probablement pas dans la même mesure pour l’un ou l’autre, mais ça dérange! Comme des conflits ou des ennuis de santé peuvent déranger à des degrés divers, de même que d’autres problèmes quotidiens plus ou moins intenses. Ah, les foutus problèmes… L’optimisme ne nous défend pas de parler des problèmes. Au contraire, car ils sont toujours là pour défaire nos plans et nos projets de bien‑être. Or souvent peut-être nous pouvons nous sentir obligés de présenter un peu tout sous un angle positif même si ça va mal. Quelque part nous ne voulons pas perdre notre espoir ou recevoir des leçons de bonne humeur. Espoir fragile peut-être…. Avec beaucoup ou peu de prières, notre espoir peut se concentrer sur une seule demande: que le Sauveur nous sauve de nos problèmes… Mais cet espoir légitime peut amener de la déception. Quelle est donc la force qui n’a pas peur des faiblesses et des limites, des échecs mêmes et des maladies? Quelle est l’espérance plus grande que toutes les fautes ou réactions variées devant ce qui nuit à nos idées ou à notre personnalité? Nous le savons, c’est Jésus-Christ en Église.
Dieu comprend nos problèmes et c’est justement pour ça qu’il veut libérer nos attentes de tout ce qui ne nous remplit pas véritablement. Notre Père miséricordieux sait bien qu’un problème enlevé n’enlève pas ce pourquoi Jésus-Christ est mort. Oui notre Père qui est aux cieux veut nous aider et nous combler, car il a envoyé son Fils mourir à notre place précisément parce que les problèmes nous font mourir. Heureusement nous n’avons pas besoin de justifier ou prouver que nous sommes plus forts que nos problèmes ou meilleurs que d’autres qui sont enragés ou révoltés. Des problèmes peuvent arriver et partir. Le coronavirus peut bien partir. Mais nous croyons que le Seigneur vient et viendra nous sauver aujourd’hui et plus tard : il vient nous délivrer de ce qui empêche d’accepter les problèmes, les nôtres et ceux des autres. C’est beaucoup mieux que toutes les recettes de bonheur spirituel, psychologique ou philosophique. Et ce n’est pas de l’inaction ou une médaille de mérite. Car la foi dynamique laisse Dieu lui‑même agir en nous, ce qui nous fait sortir de nous-mêmes pour nous pousser vers l’autre, comme il est. Nous cherchons humblement à croire que le Sauveur est toujours disposé à enlever en nous cette incapacité d’accepter ce qui nous dépasse. C’est un don immense qui ne ressemble pas à de la résignation plus ou moins courageuse quand nous sommes dépassés.
Le Seigneur va au fond de notre cœur : il veut enlever la peur de ce qui nous fait mourir. Lui nous soigne sans faire la morale, il nous soutient, il nous éclaire. Le Seigneur donne et pardonne, il n’exige pas. Dieu peut nous donner une paix là où nous n’avons pas la paix. C’est pourquoi nous espérons en Lui! Notre espérance est en Lui! Car Il nous aime! Dieu t’aime! Dieu nous aime vraiment! Et si cet amour concret nous attire, si le don est attirant, nous demandons son Esprit. Tout simplement et inévitablement. Bien sûr, nous ne pouvons éviter de demander l’Esprit du Christ qui nous offre toujours de noyer ou d’anéantir ce quelque chose en nous qui nous empêche d’aimer notre histoire quotidienne! Nous le savons, le Seigneur nous rend capable d’aimer, sans feinte ni calcul, sans crainte ni jugement. Grâce à l’agneau de Dieu qui porte sur lui‑même tout le mal possible, nous recevons le plus grand bien. Nous pouvons goûter au bien quand nous ne voyons pas de bien ou quand ça fait mal à cause de quelque chose extérieur à nous ou à l’intérieur de nous. Ce don impressionnant surpasse de loin tous les bons souhaits ou les invitations à être de bonnes personnes. En fait, le plus grand souhait pour nous, c’est de désirer croire que Dieu tire le bien du mal, Dieu tire la résurrection de la mort. Voilà la lumière, la lumière qui éclaire ce qui est ombre, doute, ennui, exigence ou insatisfaction. Voilà ce que l’Église nous annonce: Christ est ressuscité!
Si nous avons aujourd’hui cette vie qui vient du Ressuscité, cette vie éternelle en nous, tel événement ou telle personne qui nous a fait mourir jusqu’à maintenant ne nous fait pas mourir! ‘Rien ne nous sépare de l’amour de Dieu’, comme le rappelle Saint‑Paul et bien d’autres paroles de Dieu. Voilà le vaccin contre la mort, une source de vie contre tout ce qui nous fait mourir! C’est la plus belle forme d’amour! C’est le plus beau cadeau ou gros lot! Il nous est offert aujourd’hui et tous les jours où nous demandons librement cet Esprit, jusqu’à l’éternité bienheureuse. Cette promesse réelle n’est pas de la magie. Et ce n’est ni mou ni dur. C’est une Bonne nouvelle! Ça vient d’en haut grâce à Jésus-Christ lui-même qui est venu ‘pour accomplir, non pas pour abolir’, comme dit l’évangile. Il veut nous envoyer son Esprit, non pas pour abolir ce qui nous dépasse, ce serait mou et inutile! Et ce serait dur et impensable s’il exigeait ce qu’il veut donner! Jésus-Christ vient accomplir pour nous le passage de la mort à la résurrection, ce passage d’un état qui nous fait mourir à un état de paix, par le moyen de notre foi nourrie et renouvelée à chaque jour. Le souhait liturgique et biblique que nous entendons à toutes les célébrations en Église résonne dans notre coeur: ‘la Paix soit avec vous’. C’est cette expérience de Paix qui nous prouve qu’il est juste et bon de demander son Esprit à chaque jour.
Voilà, on m’a invité à écrire un texte. Ces mots bien pauvres n’ont certainement pas la force des célébrations. Bientôt, nous aurons des liturgies vivantes et riches de tout!
Pierre, prêtre et vicaire
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