Homélie du dimanche 10 juillet 2022 - Radio-Canada

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L'abbé Pierre Gingras, notre curé-modérateur, a célébré la messe dominicale à l'émission Le jour du Seigneur à Radio-Canada. Voici son homélie de ce dimanche du Bon Samaritain, le 10 juillet dernier :

Les soixante-douze venaient tout juste de revenir de mission. Suite à leur compte rendu, Jésus avait exulté sous l’action de l’Esprit-Saint : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. (…) Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! »

Peut-être y avait-il dans la foule un docteur de la Loi à l’épiderme sensible.

Peut-être y avait-il dans la foule un légiste, un savant de la Loi qui ne tolère pas que Jésus l’oppose aux petits à qui le Père révèle le mystère du Royaume.

Toujours est-il qu’un d’eux se lève, et pour le mettre à l’épreuve lui dit :

« Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? »

C’est toujours la question qui revient. Même pour nous…

Que faut-il faire concrètement pour hériter de la vie éternelle, pour avoir part à ce bonheur auquel Jésus vient de faire allusion ?

« Retourne à la Loi mon ami ! Qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ? »

Et le légiste de répondre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »

« Fais ainsi et tu vivras. »

Conjugue l’amour de Dieu et du prochain autour d’un seul verbe : tu aimeras !

Être vivant et être vivant toujours, être vivant éternellement, c’est aimer concrètement.

Aimer Dieu concrètement ça va relativement bien quoiqu’aujourd’hui on est un peu porté à l’oublier. On ne lui donne pas toujours la première place dans notre vie, au long de nos journées. On prie mais souvent c’est fait rapidement, comme pour se débarrasser avant de passer à autre chose.

Aimer Dieu… et le prochain.

Mais : « Et qui est mon prochain ? »

La question n’est pas superflue.

Et l’histoire arrive… l’histoire du bon Samaritain…

Il est important de savoir que pour un Juif de l’époque, le « prochain » est tout simplement celui qui appartient au peuple juif, ce qui exclut habituellement l’étranger.

Et c’est ainsi que le prêtre et le lévite que Jésus met en scène semblent bien privilégier l’amour de Dieu, obligés par leur fonction de laisser l’homme à demi-mort sur le bord de la route. Et face à leur comportement brièvement décrit, Jésus va détailler l’attitude du Samaritain pour élargir cette notion traditionnelle du « prochain » trop étroite.

Le Samaritain, un homme attentif, il voit l’homme à moitié mort… il est saisi de compassion, l’intérieur lui fait mal juste à voir dans quel état est cet homme. Il laisse sa monture et s’approche… il rejoint le blessé là où il est.

Il panse ses blessures en y versant ce qu’il a, de l’huile et du vin. Puis il le charge sur sa propre monture et se rend à l’auberge et paye l’aubergiste pour qu’il prenne soin de lui avec l’engagement de payer le surplus lors d’un prochain passage.

Le docteur de la Loi avait demandé : « Et qui est mon prochain ? » alors que le Samaritain s’est demandé : « De qui suis-je le prochain ? » Le mouvement est différent.

Ce n’est pas tant l’autre qui est mon prochain mais moi qui suis prochain de l’autre.

« Qui m’est proche ? »

Imaginez le ton de cette histoire contée avec le ton d’une histoire vécue.

« Je descendais de Jérusalem à Jéricho et je suis tombé sur les bandits…

Des bandits qui m’ont dépouillé, qui m’ont roué de coups et qui ont fuit me laissant à moitié mort. Je vis un prêtre qui descendait par le chemin que j’avais pris. « Qui m’est proche ? » ai-je crié. Il m’a vu et est passé tout droit. Un lévite est passé. « Qui m’est proche ? » ai-je crié. Il m’a vu et est passé lui aussi tout droit.

Mais ce Samaritain, cet étranger est arrivé près de moi. « Qui m’est proche? » ai-je encore crié. Il s’est arrêté. Il m’a vu dans cet état lamentable et a pris soin de moi. Il m’a même chargé sur sa monture pour me conduire à l’auberge en donnant une forte somme à l’aubergiste pour qu’il me remette debout. »

C’est ce Samaritain qui s’est fait proche de moi.

« Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? »

« Celui qui a fait preuve de pitié envers lui. »

« Va, et toi aussi, fais de même.

Dans le fond, nous n’avons pas à nous demander, comme le docteur de la Loi : « Qui est mon prochain ? » mais « Comment devenir le prochain de toute personne ? »

« Comment me rendre davantage proche de celui ou de celle qui a besoin de moi ? »

Le prochain, c’est moi qui s’approche de l’autre avec amour.

Jésus dépasse les prescriptions d’ordre juridique. La Bonne Nouvelle aujourd’hui fait éclater toute forme de particularisme ou d’exclusion. Il nous invite à aimer de manière universelle et non pas simplement de manière théorique mais d’un amour qui s’incarne dans nos relations quotidiennes.

Retenons combien Dieu se fait proche de nous pour que nous nous fassions proche de l’autre.

Et quand nous nous trouverons dans une situation d’épreuve n’hésitons pas à crier : « Qui m’est proche ? » et le bon Samaritain arrivera toujours.

Comment aimer Dieu que tu ne vois pas si tu n’aimes pas ton frère que tu vois.

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